Métiers à tisser

Quel Métier Choisir ?

Nos appartements n’étant pas toujours très spacieux et n’étant pas toujours sûrs au début de persévérer dans le tissage, il se peut qu’on soit tenté par une version compacte, du type métier de table ou métier pliable. Si on est prêt à se lancer pour quelque chose de plus conséquent, on se dirigera plutôt vers un métier à contrebalance ou à contremarche. Si on est tenté par la tapisserie, on aura intérêt à se munir d’un métier à haute-lisse.

Les différents types de métiers sont décrits plus bas mais voici tout d’abord quelques notions générales concernant les composantes et mécanismes d’un métier standard.

Composantes & Mécanismes

Ensouples

Le but d’un métier à tisser est d’aligner et de tendre une nappe de fils longitudinaux : « la chaîne », qui va servir de squelette au tissu. Pour réaliser cela, la chaîne est fixée entre deux rouleaux mobiles : « les ensouples » . Elle passe également au-dessus de 2 poutrelles : « les poitrinières » afin de se trouver à la bonne hauteur.

Les fils de chaîne peuvent s’enrouler une multitude de fois autour de l’ensouple porte-fils, à l’arrière du métier, permettant ainsi de travailler sur de grandes longueurs. Comme l’apprêt d’une chaîne représente le gros du travail, on a intérêt à voir long pour rationaliser son temps.

Au fur et à mesure que le tissage avance, il s’enroule autour de l’ensouple porteétoffe, à l’avant du métier. Pour donner plus d’espace aux genoux, le métier peut être équipé d’un rouleau supplémentaire entre la poitrinière et l’ensouple avant.

Certains métiers sont équipés d’une ensouple arrière supplémentaire pour réaliser des armures réclamant un système de double-chaîne.

Ensouple porte-fils et ensouple porte-tissu
Fig. 1.a : Ensouple porte-fils à sections
Fig. 1.b : Etoffe passant au-dessus de la poitrinière avant, autour d’un rouleau intermédiaire puis de l’ensouple avant.

Système de Blocage

Pour que les fils de chaîne restent bien tendus et que l’étoffe ne puisse pas se dérouler, il est nécessaire de bloquer les deux ensouples. Celle à l’arrière est retenue à l’aide d’un frein tandis que celle à l’avant est bloquée par une roue crantée et des loquets. Un mécanisme de débrayage permet de libérer le frein et d’avancer l’ensouple porte-étoffe pas à pas.

Système de blocage des ensouples
Fig. 2.a : Frein arrière ¦ Fig. 2.b : Roue crantée et loquets de blocage

Harnais

La deuxième action d’un métier consiste à soulever une partie des fils de chaîne pour créer un espace : « la foule » , dans lequel on introduira la navette et passera le fil de trame.

Cette levée de fils s’opère généralement par l’intermédiaire de cadres, suspendus au montant supérieur du métier et reliés aux pédales. En appuyant sur une pédale, je vais actionner un ensemble de mécanisme dont la finalité sera de soulever et/ou d’abaisser certains cadres.

Cadres de levée et ouverture de chaîne
Fig. 3.a : Nappe de chaîne levée pour passer la navette
Fig. 3.b : Série de 8 cadres

Le schéma ci-dessous décrit le mécanisme d’un métier à contremarche.

Schéma du mécanisme du métier à contremarche
Fig. 3.c : Mécanisme des parties mobiles d’un métier

La partie supérieure du cadre « C » est suspendue, par les côtés à une paire de bricoteaux pivotants « B », reliés à la contre-marche « E », à son tour reliée à la pédale n°4 (Point d’attache « F »). Depuis son centre inférieur, le cadre est également connecté à une marchette « D ».

Lorsque j’appuie sur la pédale n°4, je tire la contremarche « E » vers le bas ce qui va faire plonger la paire de bricoteaux vers l’intérieur et soulever le cadre vers le haut. La pédale n°1, qui est connectée à la marchette « D » (point d’attache « G ») aura pour effet de tirer le cadre vers le bas.

Les cadres sont pourvus de lisses, qui possèdent un petit œillet dans lequel on passe un fil. Chaque fil de chaîne devient alors solidaire d’un cadre spécifique. C’est ainsi qu’on peut sélectionner les fils qu’on va lever ou garder abaissés.

Lisses textiles avec les fils passés dans leur oeillet
Fig. 3.d : Lisses textiles avec les fils passés dans leur œillet

Peigne

En plus du rentrage en lisses, chaque fil est introduit entre les dents d’un peigne. Ce peigne est fixé à l’intérieur d’un ensemble mobile : « le battant ». Après chaque passage de navette, on actionne le peigne pour tasser le fil. Certains battants sont munis, sur les côtés de 2 réceptacles et d’un système de chasse-navette qui propulse la navette d’un réceptacle à l’autre. Il est agréable de disposer d’un tel système lorsqu’on travaille sur de grosses largeurs.

L’idéal est de posséder un jeu de peignes avec des écartements plus ou moins espacés ce qui permet de mieux réguler le serrage des fils.

Battant de peigne muni d'un chasse navette
Fig. 4 : Battant de peigne muni d’un chasse-navette

Types de Métiers

Parmi la multitude de mécanismes existants, on va se limiter ici à décrire quelques types parmi les plus répandus.

Métiers de Table

Les métiers de table fonctionnent avec des manettes. Chaque manette est reliée à un seul cadre. Quand j’abaisse une manette, elle soulève un cadre tandis que les autres restent dans leur position initiale. Si je veux soulever plusieurs cadres à la fois je dois abaisser autant de manettes. Cela est plus difficile à gérer et peut engendrer des sources d’erreurs supplémentaires.

Métier à tisser de table à manettes
Fig. 5 : Métier de table

Ce type de métier permet déjà de réaliser de jolies choses mais pas trop larges, comme des écharpes. Il est parfait pour exécuter des échantillons avant de se lancer dans le projet définitif. On peut ainsi tester différentes matières, assortiments de couleurs, serrage ou grosseurs de fils.

Il n’est pas conseillé d’acheter un métier de table dépassant les 40 ou 50 cm de largeur. Au-delà il deviendra lourd à transporter et ne sera plus très stable.

Un de ses principal inconvénient est que la position pour tisser n’est pas très confortable et peut assez vite créer des tensions dans les bras ou des douleurs dans le dos.

De plus, les fils levés subissent une plus grande tension que ceux restés au repos. Il se peut alors que le tissu ne soit pas aussi régulier ou même que certains fils délicats se mettent à casser.

Métier à contrebalance ou contremarche

Avec un métier à contrebalance ou à contremarche, chaque pédale exerce une action sur tous les cadres à la fois. Pendant que certains cadres se soulèvent, tous les autres sont tirés vers le bas. Il n’est donc plus nécessaire d’actionner plusieurs pédales ou plusieurs manettes à la fois. Cela va grandement nous simplifier la tâche et permettre de trouver un rythme de marchage.

Ce système de lèves et de baisses simultanées produit une foule bien marquée et assure une tension régulière des fils qu’on peut ainsi tendre d’avantage. Les pédales n’ont plus qu’à effectuer une demi levée de foule et leur angle d’attache peut donc être réduit de moitié (environ 8 à 13 cm du sol).

Les cadres ne consistent généralement qu’en deux baguettes maintenues ensemble par les lisses. Cela offre un choix de lisses élargi bien que toutes doivent évidemment avoir la même longueur.

La différence entre un métier à contrebalance ou à contremarche réside dans le mécanisme qui actionne les cadres.

Contrebalance

Dans un métier à contrebalance, 2 cadres sont reliés l’un à l’autre par une poulie et une paire de petits balanciers ou par un système de rouleaux. Lorsque j’appuie sur une pédale, tous les cadres qui ne se sont pas levés s’abaissent par un effet de contre-balancier. Ce type de métier est généralement limité à 4 cadres et peut poser problèmes lorsque le nombre de cadres qu’on lève ou qu’on abaisse n’est pas le même.

Métiers à tisser à contre-balance
Fig. 6.a : Mécanisme à poulies et balanciers ¦ Fig. 6.b : Mécanisme à rouleaux

Contremarche

Si on souhaite exécuter des armures plus complexes on se tournera incontestablement vers un métier à contremarche qui permet d’accueillir davantage de cadres. Il est possible de convertir un métier à contrebalance en métier à contremarche moyennant quelques éléments supplémentaires qui peuvent être achetés séparément.

Les attaches

Grâce à son jeu de marchettes supplémentaires, les cadres qui s’abaissent sont également attachés aux pédales. Avec ce système la préparation des attaches prend un peu plus de temps.

Les attaches actuelles sont généralement effectuées avec des cordes synthétiques « Texsolv » à œillets et chevilles de blocage. Ce système est simple et rapide car il évite de devoir faire des nœuds et peut s’adapter à toutes sortes d’attaches.

Marches et contremarches. Système d'attache Texsolv
Fig. 7a: Attaches des marches & contremarches ¦ Fig. 7b: Corde Texsolv avec cheville de blocage

Les contremarches de lève comme les marchettes de baisse possèdent un trou ou un crochet au dessus de chaque pédale. Si mon métier comprend 10 pédales, chacune de mes contremarches/marchettes aura 10 points d’attache. Les bricotaux, cadres, contremarches, marchettes et pédales portent un numéro implicite. Si ma pédale n° 1 doit lever le cadre n° 1, elle sera attachée à la contremarche n°1, elle-même attachée à la paire de bricoteaux qui soutiennent le cadre n°1. Toutes ces pièces tiennent en équilibre les unes par rapport aux autres.

Les contremarches et les marchettes doivent toutes se trouver exactement à l’horizontale et à la même hauteur. Pour certains modèles de métiers, les marchettes servant à abaisser les cadres se trouvent sur un plan supérieur par rapport aux autres. Quoi qu’il en soit chaque groupe doit être bien aligné.

L’attache des pédales se base sur le croquis d’armure qui inclut un schéma d’attaches, à l’intersection de l’ordre de rentrage en lisses et de l’ordre de « marchage ». Les carrés pleins représentent les pédales de lève et les carrés vides les pédales de baisse. Dans l’exemple ci-dessous, la pédale n°1 sera attachée aux contremarches n°1, 2 et 3 et aux marchettes n°4, 5 et 6.

Fig. 7c: Schéma d’attaches des pédales

Attaches squelettes

Certaines armures nécessitent un nombre de pédales dont mon métier ne dispose pas. Dans ce cas, je peux utiliser un mode d’attaches particulier qu’on appelle « attaches squelettes ». Contrairement aux attaches standards, mes pédales ne seront pas nécessairement reliées à tous les cadres et j’appuierai sur deux pédales à la fois. En voici deux exemples:

L’exemple de gauche correspond à une armure « été-hiver » où chacune des marches 3 à 8 sont associées soit à la marche 1, soit à la marche 2, en alternance. Les marches a et b tissent la toile. Avec une attache classique, il me faudrait donc 6 x 2 = 12 marches + 2 marches pour la toile. En libérant les marches 1 et 2 de toutes autres attaches que celles liées aux cadres 1 et 2, je les rends indépendantes et peux donc les utiliser en association avec les autres.

L’exemple de droite correspond à une armure « Reps » où les fils de chaîne sont deux fois plus serrés que d’habitude. J’aurait pu la réaliser avec 10 pédales dont je dispose mais dans ce cas, j’ai opté pour une attache squelette afin que chaque marche n’ait à soulever que 2 cadres à la fois. Ceci diminue le poids que chaque pédale doit soulever et améliore ainsi ma foule. Dans ce cas, les 4 premières pédales n’actionnent que les cadres 1 à 4 et les 4 suivantes, les cadres 5 à 8.

Métier à Haute-Lisse

Le métier à haute lisse est principalement utilisé pour réaliser de grandes tentures murales ou des tapis. La chaîne y est tendue verticalement et une perche à lisses est placée sur le haut du métier, (d’où son nom de haute lisse). Elle permet de séparer la nappe avant de la nappe arrière mais les fils de chaque nappe doivent être sélectionnés manuellement.

On décalque son motif sur les fils de chaîne et on travaille de bas en haut, par sections que l’on peut enrouler au fur et à mesure. Les fils de trame de différentes couleurs sont enroulés autour de petits fuseaux qui restent suspendus.

Tisserande exécutant une grande tapisserie murale sur un métier à haute lisse
Fig. 8 : Tisserande exécutant une grande tapisserie murale